COMMUNE DE ZUTKERQUE

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Le château de la Montoire

Les vestiges du château de La Montoire à Zutkerque (Pas-de-Calais)

PAR  · Publié le 8 avril 2021 sur l’excellent site : Les places fortes des Hauts-de-France

Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur et du site « Les places fortes des Hauts-de-France »

Comme Tournehem, le château de La Montoire, sur la commune de Zutkerque (Pas-de-Calais), dépendait de la châtellenie de Guînes dès le XIIe siècle. Il en subsiste d’intéressantes ruines (fig. 1 a-b) dans une propriété privée boisée. Les vestiges décrivent un quadrilatère d’environ 40 m sur 25 m, cantonné de quatre tours d’angles avec deux tours plus petites au milieu des grands côtés et un châtelet d’entrée du côté nord. Par son plan, la forteresse appartient à la famille des châteaux à cour quadrangulaire de type philippien du XIIIsiècle. Les comptes de travaux mentionnent des réparations conséquentes dans le premier quart du XIVe siècle (1321-1326), en prélude du conflit franco-anglais qui se termine par la reprise du château en 1436 par Philippe le Bon. Le château est en territoire bourguignon jusqu’au début du XVIe siècle, puis sous domination espagnole jusqu’en 1542, avant sa reconquête par les Français qui finissent par le faire détruire en 1595, comme ce fut le cas pour le site de Tournehem.

Fig. 1 a-b. Cartes postales anciennes montrant les ruines du château de La Montoire au début du XXe siècle (Collection : J.-Cl. Routier – Toute reproduction interdite sans autorisation).

Les vestiges sont aujourd’hui trop ensevelis sous les remblais et la végétation pour y déceler les structures ou organes d’aménagement d’une résidence seigneuriale des XIVe et XVe siècles, tels qu’on pouvait encore un peu les voir dans les années 1990 et d’après un plan de restitution de la forteresse de 1903 conservé aux Archives départementales du Pas-de-Calais. La moitié nord du site est une plate-forme topographique constituée de remblais post-démolition. Les appartements se trouvaient dans le tiers sud de la cour et se composaient de deux bâtiments voûtés sur croisés d’ogives, placés en vis-à-vis d’une cour centrale. Deux tours conservées en élévation ne reflètent a priori pas les préoccupations défensives que l’on attendrait d’une forteresse, car chacune est dotée au pied d’une porte extérieure avec sas d’entrée menant à une salle circulaire démunie de tout organe de tir (embrasures, meurtrières, bouches à feu), ce qui semble un peu anormal.

Fig. 2. Le château de La Montoire dans son cadre topographique général avec nord géographique : 7a et 7b renvoient aux numéros de figures dans ce texte (D’après IGN x 10 : 2500e) (DAO : J.Cl. Routier, 2021 – Toute reproduction interdite sans autorisation).

C’est au XVIe siècle que le site de La Montoire, alors aux mains des Impériaux, se transforme en place forte par l’édification de quatre bastions d’angle doublant la surface militaire. À cette l’époque, dans l’Artois, le fort de Renty (Pas-de-Calais) offre le même cas de figure, à savoir une ancienne forteresse médiévale convertie en fortification nouvelle par l’adjonction de quatre bastions à orillons dont les dispositions intérieures sont connues par un plan de 1553, mais dont nous ignorons tout pour La Montoire, à part leur présence encore très marquée dans le paysage forestier actuel du site.

1. Présentation.

Les ruines de la forteresse de La Montoire subsistent dans le bois dit de « La haute Montoire », au nord de Nielles-les-Ardres (Pas-de-Calais). Les restes du château médiéval décrivent un quadrilatère d’environ 40 m de long sur 25 m de large occupant la moitié ouest d’une plate-forme de 125 m de côté, d’après les données de la carte IGN(fig. 2). Les quatre angles de cette terrasse furent renforcés au XVIe siècle d’ouvrages bastionnés conservés sous forme de buttes topographiques triangulaires, dont les extrémités nord-est et sud-est sont encore bien marquées. L’ensemble était entouré d’un fossé toujours bien visible dans ses dimensions sur la face ouest du site, mais de façon plus atténuée sur les autres côtés (fig. 3).Fig 3

Fig. 3. Plan schématique (500e) du château de La Montoire avec nord conventionnel : les nombres et lettres renvoient aux figures du texte et correspondent aux vestiges photographiés entre 1990 et 2020 : en gris, les vestiges encore visibles en 1990 ; en noir, les vestiges seulement visibles en 2020 (J.-Cl. Routier, 2021 – Toute reproduction interdite sans autorisation).

Le but de cette étude est d’établir la comparaison des photographies du site prises au sol en 1990 avec une série de clichés numériques faits trente ans plus tard, en 2020, ceci pour montrer la dégradation du site entre ces deux dates et la disparition progressive des vestiges du château sous la végétation.

Fig. 4. Plan d’ensemble et profil du château de La Montoire dessinés par Clovis Normand au début du XXe siècle (Archives départementales du Pas-de-Calais, 24J108, Fonds Clovis Normand – Toute reproduction interdite sans autorisation).

Le mur d’enceinte est conservé de façon très inégale : son périmètre était cantonné de six tours principales, une à chaque angle et deux autres, de moindre diamètre, disposées au milieu des deux plus longues faces du château. Sur le côté nord, deux tourelles correspondaient à un châtelet d’entrée toujours présent sur trois documents dessinés au début du XXe siècle : le premier dessin montre le site de façon générale avec son fossé de ceinture (fig. 4) ; le second dessin est un croquis complet du plan du château de ses abords (fig. 5) ; le troisième document est un plan restitué géométrique assez précis des dispositions architecturales de la forteresse2 (fig. 6).

Fig. 5. Plan détaillé du château de La Montoire dessinés par Clovis Normand au début du XXe siècle (Archives départementales du Pas-de-Calais, 24J108, Fonds Clovis Normand – Toute reproduction interdite sans autorisation).

2. Histoire générale de la forteresse de La Montoire.

Une étude inédite du site a été faite en 1995 par Jacques Dubroeucq3. L’auteur raconte l’histoire de la forteresse de La Montoire en s’appuyant sur les écrits du XIXe siècle, eux-mêmes basés sur les données plus anciennes. Plusieurs auteurs du XIXe siècle ont déjà relaté nombre de faits sur La Montoire, notamment Aimé Courtois, Louis et Justin Deschamps de Pas, Jules-Marie Richard et Daniel Haigneré, en s’appuyant eux aussi sur des chroniqueurs contemporains de ces faits, tels Lambert d’Ardres, Monstrelet, Du Bellay et autres, ainsi que sur des pièces d’archives issues, par exemple, des Chartes d’Artois du XIVe siècle. L’historien de l’art Philippe Seydoux a prolongé ces recherches en ajoutant aux travaux antérieurs des pièces tirées des Archives de la Chambre des Comptes de Lille, série B, des années 14004. Voici ce qu’il en dit :

« Le château médiéval [de Tournehem], siège d’une châtellenie importante dépendant de Guînes, fut comme le château très voisin de La Montoire, construit ou entièrement refondu entre 1174 et 1179 par le comte de Guînes, Baudouin II. Cela ne l’empêcha pas de tomber en 1213 aux mains du comte de Flandre, Ferrand de Portugal. En 1282, les places de Tournehem et de La Montoire furent cédées par Arnould III, successeur de Baudouin à Philippe-le-Hardi, et peu après rattachées à l’Artois. La Montoire fut considérablement renforcée entre 1321 et 1326 par la célèbre Mahaut d’Artois. Les Anglais qui s’étaient emparés de La Montoire en furent chassés en 1346 par Gui de Nesle, mais réussirent à réoccuper le château quatre ans plus tard. À la fin du siècle, le duc de Bourgogne qui l’avait recouvré y logea plusieurs jours, pendant que Charles VI rencontrait Richard II à Ardres.  De nouveaux travaux de protection n’empêchèrent pas les Anglais de s’en rendre à nouveau maître en 1405 et de s’y maintenir jusqu’à la prise de La Montoire par Philippe le Bon en 1436. Pendant le siège de Tournehem en 1542, le duc Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, logea à La Montoire dont il venait de s’emparer sans combat, les trois ou quatre cents Impériaux qui s’y trouvaient ayant pris la fuite à son arrivée. Il fit ensuite démanteler cette seconde place par les gens du pays, qui ne demandaient qu’à voir disparaître cette forteresse, cause de tant de dommages. Restituée à Charles Quint en vertu des clauses du traité de Crépy, les deux châteaux de Tournehem et de La Montoire furent partiellement restaurés par les Impériaux. Leur ruine définitive fut l’œuvre du maréchal d’Humières qui, le 7 mai 1595, fit bombarder et démolir Tournehem »5.

Fig. 6. Plan géométrique du château de La Montoire d’après la figure 5 : en rouge, les parties visibles ou accessibles en 1990 ; en vert, les parties accessibles en 2020 (Échelle d’après deux mesures indiquées sur un croquis relatif à la tour d’angle sud-est, le plan reconstitué doit être à l’échelle 250e ou 300e) (DAO : J.-Cl. Routier, 2021 – Archives départementales du Pas-de-Calais, 24J108, Fonds Clovis Normand – Toute reproduction interdite sans autorisation).

3. Description architecturale de La Montoire.

D’après son plan quadrangulaire cantonné de tours, La Montoire est un château du XIIIe siècle, voire plus ancien6, et relève de la famille des nombreux châteaux de plan rectangulaire à cour de type philippien7. Philippe Seydoux a tenté une description du château d’après les données de Jules-Marie Richard8.

Les maçonneries de La Montoire s’élevaient encore en moyen à 4 m lorsque Jules-Marie Richard en fit la description en 1877. Son plan dessinait un rectangle presque régulier formé par des courtines d’environ 24 à 25 m sur 40 à 42 m, cantonné de tours d’environ 10 m de diamètre, et renforcé sur les grands côtés de deux tours supplémentaires. L’épaisseur des murs des courtines était de 1,60 m ; celle des tours, mesurée à la base, variait entre 3,50 m du côté extérieur et de 2 m du côté intérieur ; le diamètre intérieur des tours variait entre 4,15 m et 5,10 m.

La tour qui défendait le milieu de la courtine sud (est ?) possédait un escalier à vis logé dans l’épaisseur du mur, et une salle voûtée sur croisée d’ogives du XIVe siècle. Près de là, se trouvait un puits profond d’une dizaine de mètres.

Les comptes des travaux menés par Mahaut d’Artois entre 1321 et 1327 donnent de précieux renseignements sur les dispositions de la forteresse. La « grosse tour » construite en 1321-1322, qui pourrait être celle du sud-ouest, était planchéiée, munie de cheminées, et couverte en tuiles avec une haute girouette peinte. Le fossé, recreusé en 1325, avait 40 à 50 pieds de profondeur sur 50 à 80 de largeur (environ 13 m sur 20), et il se développait sur 500 pieds autour de l’ouvrage (150 m).

D’après les comptes de 1321 et de 1326, les murs des courtines et des tours furent surélevés de sept pieds (plus de deux mètres), « crénelés », c’est-à-dire probablement munis de mâchicoulis fixes et couverts de dalles de grès.

Le château possédait une chapelle éclairée par trois fenêtres, une salle voûtée « moult grande », construite sur des pièces basses également voûtées, et une seconde salle. L’entrée, précédée d’un pont-levis, était ornée de figures sculptées.

Enfin, lors des travaux de mise en état de défense en 1399, la place fut entourée, d’« une bonne, grant et forte hayure (haie) d’espines, par manière de braies, pour la seurté, garde et défense dudit chastel, qui est près ou sur les marches de Calais ».

Les ruines sont assurément datées du XIVe siècle par les comptes de travaux et selon plusieurs critères d’architecture comme le mode de voûtement des portes, le style des arcs de croisées et des culots de retombée d’ogives. C’est manifestement une résidence seigneuriale juste avant la guerre de Cent Ans alliant confort et souci de défense.

Au niveau résidentiel, les appartements se trouvaient dans le tiers sud de la cour et se composaient de deux bâtiments voûtés sur croisés d’ogives, placés en vis-à-vis et séparés par une cour centrale. Plusieurs escaliers incorporés dans l’épaisseur du mur mitoyen de la partie nord du château, permettaient une circulation aisée.

Au niveau défensif, la contradiction provient du fait qu’on n’observe aucune fente de visée extérieure ni embrasure de tir, tout du moins pour les deux tours encore accessibles. Sans doute le fort état de recouvrement des vestiges interdit de répondre raisonnablement à cette interrogation. On notera pourtant qu’aucun aménagement de ce type ne figure sur le plan de 1905, époque où les ruines du château étaient plus dégagées. Par ailleurs, il est surprenant de constater l’existence d’une porte extérieure à la base de chaque tour, ce qui pouvait constituer une faiblesse pour la sûreté intérieure en cas d’intrusion ennemie. Pourtant, l’examen des deux portes à sas d’entrée encore conservées, l’une voûtée en berceau et l’autre en tiers-point, apparaissent bien comme des ouvertures d’origine contemporaines de la construction des tours (tour centrale est et tour sud-ouest).

Par le traité d’Ardres en 1546, La Montoire, aux mains des Impériaux, est fortifiée et se transforme en place forte avec l’édification sous Charles Quint de bastions d’angle qui doublent la surface fortifiée et ont laissé, dans le cadre forestier, un quadrilatère terminé aux angles par des monticules de terre de forme triangulaire bien caractéristique (fig. 2 et 7 a-b). Dans l’Artois de l’époque, le fort de Renty est le même cas de figure que La Montoire, c’est-à-dire une ancienne forteresse médiévale convertie en place-forte nouvelle par l’adjonction de quatre bastions à orillons dont les dispositions intérieures nous sont connus par un plan de septembre 15539.

Fig. 7 a-b. – A : Vue de l’un des flancs du bastion sud-est sous couvert végétal en septembre 2020 – B : Vue de la pointe du bastion sud-est sous couvert végétal en septembre 2020 (Photographies : J.-Cl. Routier, 2020 – Toute reproduction interdite sans autorisation).

De nos jours, les ruines de La Montoire forment un ensemble architectural remarquable pour qui veut bien les examiner en détail comme on l’a fait en 1990 et en 2020. On y retrouve grosso modo au sol le plan restitué de 1903 avec, cependant, des différences notables pour ce qui concerne les appartements ou les bâtiments de cour.

Le principal matériau utilisé est le calcaire, mis en œuvre dans les deux murs de courtine conservés et l’architecture intérieure des ouvrages (tours, salles, voûtements). Les silex et les blocs de grès combinés sont réservés aux parements des tours et à quelques pans de courtines pour leur meilleure résistance. Les trois matériaux (craie, silex, grès) peuvent cependant s’allier dans le cas de la tour centrale à l’est, par exemple.

Fig. 8. Vue de la courtine et de la tour centrale orientales en septembre 2020 (Photographie : J.-Cl. Routier, 2020 – Toute reproduction interdite sans autorisation).

Les constructions les mieux préservées dans leurs structures internes et externes sont les deux hauts murs de courtine reliés à la tour centrale est, elle-même conservée sur plusieurs mètres d’élévation et dotée de deux portes d’accès interne et externe comme la tour d’angle au sud-ouest. On voit encore le tracé de la courtine au sud, mais elle disparaît à l’ouest et au nord où l’accumulation des remblais les dissimulent. Un bon tiers sud de la zone intérieure de la forteresse laisse apparaître les vestiges de deux salles jadis voûtées sur croisées d’ogives avec retombées sur culots d’angles pris dans un long mur de calcaire appareillé limitant ces deux espaces ; trois ou quatre de ces culots étaient visibles encore en 1990. La paroi de craie taillée est percée de deux accès, un par salle, passages recouverts aujourd’hui. Le dessin précis de 1903 restitue bien les aménagements intérieurs dans toute la moitié sud de la cour du château (fig. 5). L’échelle (environ 1/300e) de ce plan découle des mesures du diamètre intérieur et d’épaisseur d’enveloppe de la tour d’angle sud-est indiquées sur l’un des deux croquis (fig. 6).

Fig. 9 a-b. – A : Vue de la porte basse cintrée donnant accès à la tour centrale orientale en septembre 2020 – B : Vue du sas en berceau de la tour centrale orientale en septembre 2020 (Photographies : J.-Cl. Routier, 2020 – Toute reproduction interdite sans autorisation).

4. 1. La tour centrale orientale.

Avec un profil en tronc de cône conservé sur plusieurs mètres de hauteur, le diamètre extérieur à la base de cette tour atteint environ 5 m (fig. 1 a-b et 8). Ses flancs sud et nord montrent un parement de craie au raccord droit avec la courtine, tandis que le reste de l’ouvrage est fait d’une enveloppe de silex et de grès se prolongeant en frontale de la tour où se situe l’accès extérieur. C’est une porte basse cintrée faite de longues pierres calcaires trapézoïdales prises dans un soubassement de silex (fig. 9a). Le passage, large de 1 m, se continue par un sas voûté en berceau (fig. 9b) donnant sur une salle circulaire (diamètre : 3 m) jadis couverte de « quatre branches d’ogives retombant sur des culs de lampe en pyramide renversée avec tailloirs à cavet. Le profil des nervures est une plate-bande dégagée par deux cavets. Tous ces restes accusent le XIVe siècle » d’après la description de Roger Rodière dans l’étude de Jacques Dubrœucq10 (fig. 10a). L’un des culots, près d’une porte cintrée intérieure, est de section tronconique (fig. 10b). Des amorces de voûtes, en place en 1990, sont tombées depuis et rehaussent le niveau de sol du rez-de-chaussée de la tour. On le voit dans la différence de comblement de la porte interne intervenu ces trois dernières décennies à cause des intempéries et de l’usure du temps.

Fig. 10 a-b. – A : Vue de l’intérieur de la tour centrale est en septembre 1990 – B : Vue de l’un des culs de lampe de section tronconique en septembre 1990 (Photographies : J.-Cl. Routier, 1990 – Toute reproduction interdite sans autorisation).

4. 2. Les deux murs de la courtine orientale.

Chaque partie de courtine mesure entre 10 et 15 m pour une hauteur comprise entre 5 et 8 m (fig. 1 a-b). Le tronçon sud (fig. 8) est bien conservé et mieux visible que la partie nord couverte de végétation. Sa hauteur jusqu’à 8 m montre un fruit de construction de la base au sommet. Le parement est en moellons de craie taillée sur les trois quarts de l’ouvrage et de silex dans le couronnement dissimulé en partie sous le lierre (fig. 11b). Une moitié du tronçon nord de la courtine est en grande partie construit en calcaire (fig. 11c), l’autre moitié offre une paroi de silex renforcée de quartiers de grès quadrangulaires tout comme l’enveloppe de la tour d’angle nord-est observée en 1990. Cette portion est maintenant sous végétation (fig. 11a), comme aussi la tour d’angle sud-est (fig. 12d) et la portion de courtine sud faite en grande partie de silex (fig. 12c).

Fig. 11 a-c. A : Vue de la portion nord sous couvert végétal de la courtine orientale en septembre 2020 – B : Vue de la portion sud de la courtine orientale et de la porte d’accès à la tour centrale en septembre 1990 – C : Vue de la portion nord de la courtine orientale en septembre 1990 (Photographies : J.-Cl. Routier, 1990 et 2020 – Toute reproduction interdite sans autorisation).

4. 3. Les courtines septentrionale, occidentale et méridionale.

Le périmètre des courtines septentrionale et occidentale est rappelé par une barre de relief formée par les remblais de démolitions qui recouvrent plus de la moitié de la cour du château de La Montoire (fig. 12 a-b). La courtine méridionale (fig. 12c) se devine par quelques pans de mur de silex et grès entre la tour d’angle sud-est (fig. 12d), elle-même ruinée, et la tour d’angle sud-ouest bien mieux conservée.

Fig. 12 a-d. – A : Vue de la tour d’angle nord-est en septembre 2020 – B : Vue de la courtine septentrionale sous le couvert végétal en septembre 2020 – C : Vue de la courtine méridionale et de la tour d’angle sud-est en septembre 2020 – D : Vue de la tour d’angle sud-est en septembre 2020 (Photographies : J.-Cl. Routier, 2020 – Toute reproduction interdite sans autorisation).

4. 4. La tour d’angle sud-ouest.

De forme circulaire tronconique, la tour fait 8 m de diamètre hors œuvre. Elle est conservée sur 5 à 6 m de hauteur. Son parement, fait de silex, est consolidé par une insertion de blocs de grès disposés en quinconce avec apport local de blocs calcaires (fig. 13). La porte d’accès depuis l’extérieur est basse et couverte d’un arc ogival composé de longues pierres calcaires trapézoïdales s’élargissant à la base des piédroits latéraux du passage (fig. 13). Le sas d’entrée, long de 2 à 3 m, est à voûte surbaissée (fig. 14a), puis rehaussée (fig. 14b) vers l’ouverture de la salle centrale circulaire (4 m de diamètre) communiquant avec l’intérieur du château par une haute et étroite porte couverte d’un arc calcaire en tiers-point (fig. 14c). Cette porte débouchait sur l’une des salles voûtées sur croisées d’ogives dont quelques structures étaient visibles au sol en septembre 1990.

Fig. 13. Vue de la porte basse et du parement de la tour sud-ouest sous couvert végétal en septembre 2020 (Photographie : J.-Cl. Routier, 2020 – Toute reproduction interdite sans autorisation).

Fig. 14 a-c. – A : Vue du sas d’entrée à voûte surbaissée de la tour sud-ouest en septembre 2020 – B : Vue du sas d’entrée à passage rehaussé de la tour sud-ouest en septembre 2020 – C : Vue de la porte couverte d’un arc calcaire en tiers-point de la tour sud-ouest, communiquant avec l’intérieur du château (Photographies : J.-Cl. Routier, 2020 – Toute reproduction interdite sans autorisation).

4. 5. Restes de salles voûtées dans la partie sud du château.

Dans la partie sud du château, un long mur de craie, en deux parties de 20 et 24 m de longueur, se développe dans le sens est-ouest (fig. 3) : son épaisseur réelle est inconnue. Des détails architecturaux, à savoir trois ou quatre culots d’angle prismatiques (vus en 1990), supposent l’existence de pièces couvertes de croisées d’ogives auxquelles on accédait par une porte aménagée dans le mur principal. Pour la salle ouest, c’est un sas d’escalier quadrangulaire obstrué (fig. 15a). Pour la salle est, il s’agit d’une porte cintrée disposée presque dans le coin de la pièce, près de la retombée d’arc sur culot (fig. 15b). La paroi calcaire de cette seconde salle continue jusqu’au retour d’angle où est conservée une retombée d’arc sur culot. On retrouve, à quelques différences près, ces dispositions intérieures sur le plan restitué de 1903 (fig. 5 et 6). Celui-ci montre trois espaces dont deux salles en vis-à-vis couvertes de trois travées sur croisées d’ogives et un espace central apparemment non couvert (cour ?)11.  Un couloir d’escalier étroit et courbe vu en 1990 pourrait bien correspondre à la troisième porte, la plus à l’est, sur le plan de 1903, sans certitude cependant.

Fig. 15 a-b. – A : Vue de l’accès à la salle ouest en septembre 1990 – B : Vue de l’accès à la salle est en septembre 1990 (Photographies : J.-Cl. Routier, 1990 – Toute reproduction interdite sans autorisation).

5. Conclusion.

Comme le dit si justement Jacques Dubrœucq en début de son étude12, les vestiges de la forteresse de La Montoire sont tombés dans l’oubli, dans le domaine privé, et de surcroît boisé, et n’ont ainsi jamais fait l’objet d’une analyse architecturale exhaustive. Pourtant, au XXe siècle, les ruines ont été fréquentées et des historiens se sont empressés d’en reconstituer le plan et le passé tourmenté étroitement lié à celui de la châtellenie de Tournehem toute proche13. Une étude archéologique permettrait de mieux connaître ce site médiéval à la fois emblématique et énigmatique.

Notes

  1. Carte IGN 2203 Audruicq, 25 000e.
  2. Ces documents sont conservés aux Archives départementales du Pas-de-Calais, sous la cote 24J108 (15-16-20/23). Deux autres dessins accompagnent les trois premiers : une planche avec détails d’architecture en élévation (doc 17/23) et une vue au crayon de la face orientale (doc 18/23). Une esquisse du château figure dans l’ouvrage de Jacques Dubrœucq (1995, p. 21).  
  3. Dubrœucq 1995.
  4. Dubrœucq 1995, p. 3.
  5. Seydoux 1979 : p. 90.
  6. La première période historique de La Montoire est comprise entre 1169 et 1299 d’après Dubrœucq 1995, p. 7-15.
  7. Comme par exemple le château Montaiguillon à Louan, en Seine-et-Marne (Mesqui 1991, fig. 361, p. 298).
  8. Seydoux 1979, p. 90-92, commentaires des notes 4 à 12, p. 290, d’après Richard 1887, p. 277-280.
  9. Martens 2019, fig. 7, p. 31. Je remercie Maxence Watelle pour la communication du plan du fort de Renty.
  10. Dubrœucq 1995, p. 3
  11. Une base de colonne circulaire à socle octogonal se voyait au sol en 1990 vers l’angle sud-est de cet espace central.
  12. Dubrœucq 1995, p. 2.
  13. Routier 2021.

Bibliographie

Courtois 1856 : COURTOIS (A.), « Aperçu historique sur le comté de Guînes et ses institutions », dans : Tailliar, Courtois 1856, p. XI-LXI.

Courtois 1869 : COURTOIS (A.), Dictionnaire Géographique de l’arrondissement de Saint-Omer avant 1789, Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie : 13, Imprimerie de Fleury-Lemaire, Saint-Omer, 1869.

Dubrœucq 1995 : DUBRŒUCQ (J.), La forteresse de La Montoire, entre Calais et Saint-Omer (1169-1595) : témoin survivant d’enjeux de l’histoire, Jacques Dubrœucq, Buc, 1995.

Martens 2019 : MARTENS (P.), « Planning Bastions : Olgiati and Van Noyen in the Low Countries in 1553 », Journal of the Society of Architectural Historians, 78-1 (2019), p. 25-48.

Mesqui 1991 : MESQUI (J.), Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence, Tome 1 : Les organes de la défense, Picard, Paris, 1991.

Richard 1887 : RICHARD (J.-M.), Une petite nièce de Saint-Louis. Mahaut, comtesse d’Artois et de Bourgogne (1302-1329). Étude sur la vie privée, les arts et l’industrie, en Artois et à Paris, au commencement du XIVe siècle, H. Champion libraire, Paris, 1887.

Routier 2021 : ROUTIER (J.-Cl.), « Un moineau inédit au château de Tournehem-sur-la-Hem (Pas-de-Calais) ? », Les places fortes des Hauts-de-France, Mis en ligne le 17 mars 2021, ISSN 2741-4701, URL : https://placesfortes.hypotheses.org/1813

Seydoux 1979 : SEYDOUX (Ph.), Forteresses médiévales du Nord de la France, Éditions de la Morande, Paris, 1979.

Tailliar, Courtois 1856 : TAILLIAR (E.), COURTOIS (A.), Le Livre des usaiges et anciennes coustumes de la conté de Guysnes, Société des Antiquaires de la Morinie, Typographie de Chanvin fils, Saint-Omer, 1856.

Citation électronique : Jean-Claude Routier, « Les vestiges du château de La Montoire à Zutkerque (Pas-de-Calais) », Les places fortes des Hauts-de-France, ISSN 2741-4701, mis en ligne le 8 avril 2021.

Le carnet Les places fortes des Hauts-de-France est enregistré sous le code ISSN 2741-4701.

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